Méta s’incline face à l’UE et crée une troisième option dans sa politique de consentement pour Instagram et Facebook
Dans la saga opposant Meta aux régulateurs européens, la société mère de Facebook avait précédemment instauré sa pratique dite « Pay or Consent » offrant aux utilisateurs un choix binaire consistant : soit à souscrire à un abonnement payant, soit à consentir à l’utilisation de leurs données à caractère personnel à des fins publicitaires via son système d’analyse basé sur de l’intelligence artificielle.
(https://www.porlon-avocats.com/meta-la-fin-de-la-pratique-du-pay-or-consent)
Cette pratique du « Pay or Consent » avait été adoptée par Méta en s’appuyant notamment sur une jurisprudence du Conseil d’Etat du 19 juin 2020 (n°434684, Assoc. des agences conseil en communication), qui avait censuré la position de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) à l'égard de l'interdiction générale et absolue des cookies wall (ou murs de traceurs) - qui est le fait de conditionner l’accès à un service à l’acceptation, par l’internaute, du dépôt de certains traceurs sur son terminal (ordinateur, smartphone, etc.).
Il devenait alors possible d’utiliser ce type de solutions à la condition que les éditeurs proposent une alternative réelle et équitable permettant d’accéder au site et qui n’implique pas de devoir consentir à l’utilisation de leurs données. Le fait, pour un éditeur, de conditionner l’accès à son contenu, soit à l’acceptation de traceurs contribuant à rémunérer son service, soit au paiement d’une somme d’argent, n’était plus interdit par principe puisque cela constituait une alternative au consentement aux traceurs - à la condition que cette contrepartie monétaire ne soit pas de nature à priver les internautes d’un véritable choix (le prix payé se devait d’être raisonnable).
Cependant, après la mise en place du Pay or Consent par Méta, la Commission européenne a estimé que ce système était trop intrusif au regard du RGPD et du DMA en lui adressant notamment un avis du 1er juillet 2024.
I. Le point de bascule de l’Arrêt de la CJUE du 4 octobre 2024
La Cour de justice de l’Union européenne a rendu par la suite un arrêt en date du 4 octobre 2024 (affaire C-446/21, Schrems contre Meta) jugeant que l’utilisation de données à des fins de publicité doit répondre au principe de minimisation des données prévu par le RGPD. Autrement dit, elle doit être limitée aux données « strictement nécessaires », conformément à l’article 5 de ce règlement. Cette application du principe de minimisation des données restreint donc radicalement l'utilisation des données à caractère personnel à des fins publicitaires.
Le principe selon lequel Meta analysait à ce point les données de ses utilisateurs ne pouvait dès lors plus être opéré par défaut ; mais, puisqu’il n’allait pas de soi, devait faire l’objet d’une autorisation expresse.
Actant de la fin de ses illusions selon lesquelles « payer ou consentir » puisse suffire, le 12 novembre 2024, Méta a annoncé sur son site Internet des changements / modifications dans sa politique de confidentialité en matière de publicité. La société a notamment abaissé le prix de l’abonnement pour une utilisation sans publicités, le faisant passer de 12.99 à 7.99 euros par mois et a lancé un plan appelé « Less Personalized Ads » (publicités moins personnalisées) pour les utilisateurs ressortissants de l’Union européenne.
Elle s’est donc d’abord assurée que le prix de son option numéro 2 d’un abonnement payant puisse être considéré comme raisonnable avant de créer une 3ème option en sus des deux options précédentes.
II. En quoi consiste cette troisième option ?
META a soumis à chacun des utilisateurs de ses services les 3 options suivantes :
- S’abonner pour utiliser sans publicités ;
- Utiliser sans paiement avec des publicités ;
- Publicités moins personnalisées.


C’est la 3ème qui nous intéresse tout particulièrement. Elle vise à offrir aux utilisateurs un contrôle renforcé de leurs données et entrainerait donc la diffusion de publicités moins pertinentes et moins ciblées en fonction de leurs centres d’intérêt. Cette option introduit également des pauses publicitaires de quelques secondes qui ne pourront pas être évitées.
Cette option est disponible dès à présent pour les utilisateurs établis au sein de l'Union européenne, au moment où Meta renouvelle la demande d'abonnement sans publicités, en présentant ces deux autres options gratuites. Ce choix est révocable à tout moment dans les paramètres.
Il convient de noter que cette troisième option n’est pas explicitée dans la politique de confidentialité de Meta de sorte qu’elle n’est pas détaillée plus que dans les encadrés reproduits ci-dessus. Pour autant, force est de constater que la CNIL sanctionne généralement, pour défaut d’information, les entreprises dans de tels cas. En effet, que signifie moins « publicités moins personnalisées » lorsque l’utilisateur n’est pas à même de juger qu’elles le sont moins que celles basées sur de l’intelligence artificielle ? Vous avez 3 heures !
La Saga n'est, a minima, pas encore tout à fait terminée...
Sadry PORLON (Avocat Fondateur), Doréa BACHA (Avocate Collaboratrice) et Zélie VINDIMIAN (Juriste Stagiaire)