Il m’arrive assez souvent, en tant qu’avocat, d’être interrogé sur le fait de savoir si l’Intelligence artificielle est utile et si, oui, à quel moment elle remplacera un avocat.
Cette question, somme toute logique et qui se pose à chaque profession ces derniers temps, à l’exception des métiers manuels, que l’IA ne remplacera jamais, est intéressante pour différentes raisons.
1) Un contrat ne sert pas qu’à exister
La première tient à une croyance répandue, mais infondée dans la pratique, qui consiste à penser qu’un contrat est bon parce qu’il se substitue à l’absence de contrats.
Or, pour rédiger régulièrement des contrats pour mes clients, qu’ils soient prestataires de services ou clients de prestataires de services, la question d’un bon contrat ne tient pas uniquement au fait de savoir s’il est valable ou non mais aussi et surtout quant au fait qu’il protège parfaitement les intérêts du client.
En clair, tout l’enjeu d’un contrat n’est pas uniquement de savoir si une fois qu’il sera signé il pourra ou non être dénoncé comme étant non valable dans sa globalité, mais aussi et surtout s’il a pu anticiper au mieux les risques qui pourraient peser sur les clients au regard de leurs activités et des spécificités de celles-ci.
2) L’évaluation des risques par un dialogue réel avec le client
Quand un avocat reçoit un client qui se pose des questions sur le contrat dont il aurait besoin, une revue de ses besoins spécifiques et des risques associés est alors mise en place pour lui présenter un contrat idoine en ce sens.
Il s’agit là d’essayer d’anticiper au mieux des situations complexes et de prévoir des clauses pour dénouer au mieux ces situations si elles devaient survenir.
En ne prévoyant rien de façon synallagmatique, vous vous exposez à ce que l’on s’en remette à l’interprétation que les juges se feront de la volonté des parties et plus précisément de ce qu’il serait juste de décider au regard de l’équilibre contractuel et la bonne foi.
Paradoxalement, en prévoyant au mieux chaque problème éventuel en amont dans le contrat ainsi que le moyen de le dénouer, vous rendez difficile le fait qu’un litige judiciaire puisse intervenir sauf désaccord persistant entre les parties sur ce point dont les modalités de règlement auront été fixées à l’avance.
Un contrat rédigé par une IA peut sans doute faire énormément de choses mais difficilement anticiper, sans en avoir parlé au préalable avec vous en détails, tous les points sur lesquels vous ne souhaitez pas vous engager trop fortement et le cas échéant à quel niveau précis d’engagement.
A titre d’exemple, dans les contrats informatiques, si vous en êtes côté prestataire, il pourrait s’agir de votre taux de disponibilité, des clauses pénales en cas d’inexécution, des modalités de la maintenance, etc.) et si vous êtes client du prestataire précité, vous pourriez souhaiter qu’une attention particulière soit accordée aux modalités des recettes, au découpage des livrables jusqu’à recette définitive, à l’évaluation des clauses pénales, etc.).
3) Prêt à porter contre sur mesure
Un contrat fait par une IA vaut sans doute mieux que pas de contrat du tout, mais gardez bien à l’esprit qu’en général, même quand le contrat est rédigé par un avocat le travail de son confrère défendant les intérêts de la partie adverse consiste à le scruter en détails pour essayer d’y déceler des points qui pourraient s’avérer favorables aux intérêts de son propre client et/ou des clauses réputées non écrites (au sens de celles qui bien qu’indiquées dans le contrat pourrait être considérées comme inexistantes).
Si ce mécanisme de tendance de remise en question de l’accord des parties est déjà un réflexe quand deux humains rédacteurs d’actes sont face à face, je vous laisse deviner ce qu’il en sera si une série de contrats tous plus ressemblants les uns que les autres sont générés automatiquement pour couvrir des besoins sans trop de distinction des situations où l’on est prestataire de service ou client dudit service.
4) On n’arrête pas le progrès…mais on peut s’en servir
A chaque fois qu’il s’agit de parler d’IA tous secteurs confondus, l’un des réflexes de ceux qui défendent cette technologie consiste à sous-entendre que celui qui la critique est contre le sens de l’histoire au motif qu’elle lui serait défavorable économiquement.
Dans les faits, et pour parler uniquement de l’IA, en tant que rédacteur d’actes, je considère de façon modérément cynique qu’il y aurait quasiment un intérêt à ce que des contrats types générés par IA couvrant des situations pourtant complexes circulent de plus en plus pour que mes clients puissent les contester de façon encore plus évidente par la suite.
En effet, moins le contrat signé pourra prétendre coller parfaitement à la situation de celui qui à défaut d’être le rédacteur d’acte aura été celui qui aura demandé à l’IA de le lui rédiger, et plus cette situation sera favorable à une remise en question partielle ou totale de ce qui y figure.
A bon entendeur…
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Sadry PORLON (Avocat Fondateur)