Porter plainte pour diffamation ou pour injure : une mauvaise idée ?


La question est volontairement présentée de cette façon.  

L’idée n’est pas de vous dissuader de poursuivre devant le Tribunal compétent une personne qui serait à l’origine de propos injurieux ou diffamatoires à votre égard, mais de garder à l’esprit que sanctionner un abus de la liberté d’expression répond à des critères extrêmement stricts qui sont bien souvent incompatibles avec l’idée même d’une quelconque approximation dans la façon de mettre en œuvre ce type d’action. 

L’injure et la diffamation : Un délai de prescription incompatible avec l’idée d’une plainte simple

La plainte simple est conçue sur le plan pénal comme un pré-requis nécessaire avant que le procureur de la République décide de mettre en mouvement l’action publique pour des faits que vous lui dénoncez. Il s’agit d’une façon de mieux filtrer les plaintes potentiellement fantaisistes de plaintes qui seraient bel et bien fondées. Cette plainte simple peut être adressée au commissariat ou à la gendarmerie de votre choix ou encore directement devant le Procureur de la République du Tribunal judiciaire du lieu des faits ou du domicile de l’auteur des faits. 

Dans la plupart des cas, mis à part les contentieux en matière électorale, d’une part, et les abus de la liberté d’expression (diffamation et injure), d’autre part, il est nécessaire de passer par ce préalable pour qu’en cas d’absence de réponse positive de la part du procureur de la république (d’où cette idée de filtre), il vous soit ensuite accordé le droit, faute de réponse positive, de déposer une plainte dite avec constitution de partie civile devant le Doyen des juges d’instruction. 

Vous devrez alors justifier qu'une plainte simple n'a pas abouti. 

La diffamation et l'injure font donc exception à la règle selon laquelle vous devrez toujours avoir porté plainte pour les mêmes faits au moins 3 mois plus tôt avant de pouvoir déposer plainte avec constitution de partie civile. 

La raison est simple. Les faits diffamatoires et injurieux se prescrivent 3 mois après la date de leur publication ; 3 mois par nature incompatibles avec le fait d'attendre que le procureur classe enfin votre plainte simple sans suite. 

C'est donc pour cette raison qu'il est inutile et même déconseillé de porter plainte via une plainte simple pour diffamation et injure. Les possibilités qu'un procureur même saisi directement fasse le nécessaire pour que l’auteur des faits soit poursuivi dans le délai de prescription sont par nature limitées voire nulles. Il pourrait même s'appuyer, passé ce délai de 3 mois, sur le fait que vous n'ayez pas directement saisi le doyen des juges d'instruction par le biais d'une plainte avec constitution de partie civile pour vous faire savoir que votre demande était vouée à l’échec. 

Et puisque passée cette période de 3 mois il sera trop tard pour agir, vous n'aurez aucun recours valable contre lui visant à vous appuyer sur le fait que vous aviez porté une plainte simple dans le délai. 

Cette plainte n’a pas vocation à interrompre le délai précité.  

Il vous revient, puisque nul n'est censé ignorer la loi, de savoir que seule la plainte avec constitution de partie civile pouvait vous permettre de faire valoir vos droits. 

Ou du moins pas seulement…. 

La citation directe ou l’assignation en diffamation ou injure comme alternative à la plainte…

Il n’est pas rare que nos clients pensent que la plainte est un passage obligé pour agir en diffamation ou pour injure contre un tiers alors même que des mesures beaucoup plus directes et rapides peuvent être mises en œuvre. 

La diffamation et l’injure étant des délits, si l’auteur des propos est identifié sans contestation possible, il est possible, dans les meilleurs délais, soit d’assigner l’auteur des propos devant un tribunal civil, soit, de lui signifier une citation directe devant un tribunal correctionnel (pénal) afin d’interrompre la prescription de 3 mois. 

Les auteurs restent poursuivis pour les mêmes propos, mais le sont, selon les cas, soit devant le Tribunal correctionnel soit devant le Tribunal judiciaire. 

Qu’il s’agisse d’une assignation ou d’une citation directe, ce type de procédure présente l’avantage d’être initiée rapidement à l’inverse de la plainte qui donnera lieu à une enquête ainsi qu’un renvoi devant le Tribunal correctionnel dont vous ne maitriserez pas la durée et qui sera mise en œuvre par un juge d’instruction. 

En somme, la question de l’intérêt de la plainte ne se pose pas.

Il faudra juste être certain de mettre en œuvre la bonne plainte à savoir la plainte avec constitution de partie civile et non la plainte simple et ce dans un délai de 3 mois suivant la date de la première publication du propos. 

Ensuite, selon votre capacité ou non à identifier avec certitude l’auteur du propos litigieux vous pourrez réfléchir à l’alternative à la plainte avec constitution de partie civile que constituent la citation directe et l’assignation. 

Rien de tel pour cela que de vous faire accompagner par un avocat intervenant régulièrement dans ce domaine du droit plutôt technique, ou chaque erreur (au-delà de la question de la prescription) peut coûter la capacité pure et simple de poursuivre l’action jusqu’à son terme, afin qu’il détermine avec précision quelle est la meilleure stratégie pour faire valoir vos intérêts. 

A bon entendeur… 

Sadry PORLON (Avocat Fondateur)


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