Agir contre une personne qui vous a diffamé sur internet : un délai court et un niveau d'exigence élevé !


Internet puis les réseaux sociaux ont ceci de particulier qu’ils ont multiplié les possibilités d’exprimer une opinion quelle qu’elle soit là où seuls les médias traditionnels (télévision, radio) permettaient auparavant de donner un écho national voire international aux propos que l’on tenait.

Ce préalable impliquait que les médias vous donnent la parole et donc qu’ils jugent que le propos que vous souhaitiez tenir en valait la peine. Rien de surprenant à retrouver beaucoup plus d’actions en justice dans ce domaine que par le passé (et nous sommes bien placés pour le savoir).

Ce qui était du droit de la presse au sens classique du terme est devenu, au fil du temps, du droit de la presse appliqué à internet.

Ce mélange des genres implique non seulement d’être au fait d’une matière réputée exigeante en termes de procédure (elle est piégeuse notamment parce qu’elle assume pleinement de favoriser la liberté d’expression et donc de sanctionner les erreurs procédurales fussent elles, de prime abord, minimes) mais aussi de connaître les dispositifs propres aux moyens de preuve qu’il est possible de glaner sur internet au risque que ces derniers soient contestés quant à leur intégrité par le prévenu ou le défendeur une fois le procès engagé.

Sans rentrer en détails sur les conditions propres à l’action en diffamation ou pour injure qui ont déjà été traitées ici et , cet article sera l’occasion de rappeler quelques fondamentaux liés à la mise en œuvre de l’action en justice contre l’auteur d’un propos que l’on estime diffamatoire ou injurieux.

5 façons d'agir dont une qui ne mène à rien

L’action en justice engagée pour des propos diffamatoires ou injurieux implique de bien comprendre qu’elle est enfermée dans un délai de prescription assez court, lequel est de 3 mois à compter de la date de la première publication des propos litigieux.

Le deuxième point, plus technique, nécessite de bien cerner que deux volets d’action sont possibles en matière de diffamation. Le volet pénal, d’une part, et le volet civil, d’autre part.

Il est essentiel de comprendre qu’aucune autre démarche que la citation directe (volet pénal), la plainte avec constitution de partie civile (volet pénal), ou l’assignation en référé ou non (volet civil) ne pourra interrompre la prescription de 3 mois précitée.

Ainsi ; une mise en demeure adressée à l’auteur des propos ou même une plainte simple déposée contre lui n’auront aucun effet sur ce délai de prescription qui continuera à courir jusqu’à son terme.

Pour la plainte simple, la raison est directement liée au fait qu’une plainte simple permet au Procureur de la République de décider de l’opportunité ou non des poursuites dans un délai de 3 mois, délai qui correspond justement à celui laissé à la partie civile ou au demandeur pour agir en matière de diffamation ou d’injure.

Puisque ces deux délais sont strictement les mêmes, la loi permet, par exception à la règle qui veut qu’une plainte avec constitution de partie civile doit nécessairement être précédée d’une plainte simple déposée au moins 3 mois auparavant, d’engager directement une plainte avec constitution de partie civile en saisissant pour cela le doyen des juges d’instruction.

Après cette échéance de 3 mois, vous ne pourrez plus agir devant les tribunaux sur le terrain de la diffamation pour faire condamner ou faire retirer ces propos. Et ce quand bien même un constat d’huissier aurait, par exemple, établi la matérialité du propos, dans une période non encore prescrite.

Lorsque l’auteur des propos est identifié, il convient donc, dans les meilleurs délais :

  • soit d’assigner l’auteur des propos devant un tribunal civil (via une assignation en diffamation)
  • soit, de lui signifier une citation directe devant un tribunal correctionnel (via une citation directe)
  • soit, de déposer une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction afin d’interrompre la prescription.
  • soit d’engager une assignation en référé devant le président du Tribunal judiciaire en vue de la suppression rapide des propos ainsi tenus sur les réseaux quand vous avez fait le constat que l’auteur refuse de les supprimer et qu’il s’avère urgent d’en obtenir le retrait

La plainte simple adressée aux services de police ou de gendarmerie ne pourra déboucher que sur une impasse et donc sur la prescription de l’action.

L’action civile via l’assignation en diffamation a pour conséquence de ne permettre au demandeur que de réclamer des dommages et intérêts là où la citation directe lui ouvrira la possibilité de demander la même chose tout en renvoyant le prévenu devant le tribunal correctionnel pour être condamné à une amende en plus.

Opter pour l’assignation en diffamation (et donc la voie civile) permet, par ailleurs, au demandeur de ne pas avoir à verser une consignation en rapport avec ses revenus, dans la limite de 15 000 euros afin de garantir l’amende civile à laquelle il pourrait être condamné à la suite d’une procédure jugée abusive à l’encontre du prévenu, là où la citation directe (voie pénale) impliquera l’inverse (le versement de ladite consignation).

La plainte avec constitution de partie civile engagera la partie civile dans une procédure par nature plus longue parce qu’elle sera précédée d’une instruction menant notamment à des réquisitions du procureur puis à un renvoi ou non du prévenu devant le Tribunal correctionnel.

Le délai de prescription de 3 mois a, par ailleurs, vocation à être interrompu (et ce n’est le cas qu’en matière d’infraction de presse) tous les 3 mois même en cours de procédure.

Ainsi si le procès devait durer 2 ans, il faudrait alors vous assurer que le délai soit interrompu 8 fois…

Cet article est donc l’occasion de rappeler que le droit de la presse est une matière exigeante dès le stade de l’engagement de la procédure mais aussi tout au long de celle-ci.

A bon entendeur…

Sadry PORLON (Avocat Fondateur)


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