Variations autour des sanctions du « revenge porn »


Il est souvent affirmé à tort ou à raison qu’internet n’est pas un média qui nécessite systématiquement que des dispositions pluriséculaires du Code pénal soient amendées ou complétées.

La Loi pour une République numérique vient toutefois d’ajouter une disposition prévoyant une aggravation de peine en cas d’atteinte à la vie privée ayant eu pour objet de diffuser des images à caractère sexuel de la victime.

Le Revenge Porn ou « revanche pornographique » porte ce nom au motif qu’il serait le plus souvent le fait de l’un des membres d’un ex-couple qui ayant pris des vidéos ou photos intimes de son ex-compagnon ou de son ex-compagne du temps de leur union décide ensuite, de se venger de leur rupture en les diffusant sur internet.

Jusqu’ici la victime de ce type d’acte devait arguer du non-respect de son droit à l’image pour voir sanctionner cette pratique tant civilement par le biais de l’article 9 du Code civil[1] que pénalement via l’article 226-1 du Code pénal qui dispose quant à lui « Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui : 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé (…). »

Toute personne, quelle que soit sa notoriété, dispose, en effet, sur son image et sur l'utilisation qui en est faite d'un droit exclusif et peut s'opposer à sa reproduction et à sa diffusion sans son autorisation.

La loi pour une République Numérique en son article 67 (en vigueur depuis le 9 octobre 2016) vient donc d’ajouter un article 226-2-1 au Code pénal dans la section relative « à l’atteinte à la vie privée » et juste après l’article 226-1 qui dispose que :

« Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 60 000 € d'amende.

Est puni des mêmes peines le fait, en l'absence d'accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d'un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l'aide de l'un des actes prévus à l'article 226-1 ».

Ce texte a donc vocation à sanctionner plus fortement l’atteinte à la vie privée et à l’image quand celle-ci consiste en une diffusion non autorisée de paroles, d’images, de documents, ou d’enregistrement à caractère sexuel, et à sanctionner tout aussi fortement cette diffusion sans autorisation, même quand ces contenus avaient été obtenus avec l’accord exprès ou présumé de la victime.

Le texte de l'article 226-1 impliquait jusqu'ici, compte tenu de l'application stricte de la loi pénale, que n'était pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement.

On passe, par ailleurs, d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende quand ce contenu, diffusé sans autorisation, est « classique »  à deux ans et 60 000 euros d’amende quand ce contenu est ouvertement à caractère sexuel.

Cela confirme si besoin en était que le législateur est désormais de plus en plus attentif à ce qu’il perçoit comme une tendance de fond sur internet.

On devine qu’il s’agit pour lui de permettre de sanctionner plus gravement des pratiques hautement préjudiciables et de plus en plus répandues tout en comptant sur le fait que l’adoption d’un texte dédié à celles-ci découragera certaines velléités.

[1] « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».


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